samedi 19 décembre 2009

Qu'est-ce qu'on mange pour Noël ?

Par Elodie

Comme vous peut-être, nous avons réfléchi intensément avant de nous décider sur la meilleure façon de satisfaire notre gourmandise aiguisée en cette période de fêtes. Quelques idées et surtout un jeu : trouver l'erreur ! Bon, d'accord, en fait il y en a une douzaine, à vous de chercher.

Menu porc

- Filet mignon de porc au Bleu (fromage équivalent au roquefort)
- Sauté de porc au cidre
- Rouelle de porc au cidre
- Ragoût de queue de cochon, sauce Brigitte Lahaie
- Rouelle de porc aux cèpes
- Filet mignon de porc à l'avesnoise (à la bière ambrée et au Maroilles)
- Fromage de tête de porc à la Mussylienne
- Filet mignon de porc au vin jaune et aux morilles
- Bistouquette farcie, jus de grouin enrhumé, patates sautées
- On peut décliner tout ça avec un simple rôti

Menu lapin (chaud, le lapin)

- Confit de lapin
- Gibelotte de lapin au calvados et au cidre
- Civet de Roger Rabbit, sauce picotti picotta
- Lapin au champignons et au vin rouge (mariné)
- Blanquette de lapin au Riesling et au girolles
- Nems de testicules de lapins, truffes de trolls, crottes de boucs

Menu poiscaille

- (cu)Lotte à la mozarabe (pignons, raisins secs, cognac)
- Blanquette de (cu)lotte au safran
- poêlée de lotte et de gambas
- Mérou rôti aux amandes et risotto à l'encre de seiche
- Jus de sardines mariné dans les eaux de Smolensk (radioactivité assurée), avec sa compotée de champignons ukrainiens
- Risotto aux crevettes et pointes d'asperges
- Commandes groupées chez Pizza Hut, avec deux maxi-poivre, currywurst de Noël, et Coca de contrebande
- Recettes possibles avec des poissons blancs. Par exemple : églefin, ou grenadier, avec sauce citron et soja.
- Grosses moules farcies à la beyrouthine, sur un torrent d'eaux usées, avec fricassée de chats de gouttières
- Pavé de thon en croûte de tapenade

En accompagnement

- Chou(sans)croute
- Risotto de quinoa aux champignons si viande
- Risotto de quinoa au fumet de poisson si poisson
- Purée mousseline, marque LIDL

Chouei chouei étant en vacances, nous vous retrouvons bientôt.
Milad sahid oua am magid.
Bisous farcis à la libanaise !

jeudi 17 décembre 2009

La fête des serpillères

Par Elodie

Il pleut, il mouille, c’est la fête… aux serpillères ! Cette fois-ci, l’automne s’est vraiment installé, comme la tempête qui s’accroche sur Beyrouth. Le gentil
« plic ploc » a laissé place à un bruit sourd et continu. Les immeubles qui se dessinent habituellement à quelques centaines de mètres, au rond-point de Tayouneh, ont disparu. Les klaxons incessants indiquent que tous les Beyrouthins ont pris leur voiture.
En même temps, je les comprends : pas de trottoirs + pas d’égouts = les rues transformées en rivières. Sans compter les éclaboussures terribles des gros 4x4 sans pitié.
Encore mieux que la voiture, il reste l’option canapé où on peut rester à lire bien au chaud sous une couverture (ça ne rigole plus, il ne fait même pas 20°C !). Malheureusement, il faut s’en extraire régulièrement pour éviter que la rivière n’entre aussi dans l’appartement. Ca n’a pas l’air mais la tempête à Beyrouth demande beaucoup d’attention et de réflexion : penser à couper l’ordinateur d’urgence dès que ça tonne un peu fort (les variations d’intensité de courant sont fatales), observer le sens du vent et de la pluie pour savoir sur quelles fenêtres il faut installer le dispositif d’urgence (gamme complète de serpillères et récipients divers) vu que les joints sont inexistants, vérifier régulièrement qu’il n’a pas tourné ce qui impliquerait une translation ultrarapide du dispositif, etc.
L’avantage, c’est qu’avec une telle gamme de serpillères, je pourrais peut-être un jour créer une tenue de déguisement originale en souvenir de ces journées pluvieuses. Si, si, c’est possible : ils l’ont même déjà fait dans un Vogue British récent. Menfin, sont fous ces Anglais !

vendredi 11 décembre 2009

Travaux à la mode libanaise


Par Elodie

Un pour percer, deux pour regarder, et deux pour contrôler. Efficace, non ?

mardi 8 décembre 2009

Ecologie libanaise


Par Elodie

"D'ici 2012, nous voulons que 12% de l'énergie au Liban soit produite par des ressources alternatives", avons-nous entendu la semaine dernière, à la radio. Décidément, Copenhague fait déjà très fort : on annonce une réduction de la consommation d’électricité et le développement des énergies alternatives au pays des Cèdres (qui se meurent).
Fastoche : on n’a plus qu’à allonger de quelques heures les coupures d’électricité quotidiennes (on a déjà réussi le test cet été) et acheter de nouveaux générateurs pour produire une énergie alternative (ça aussi, ça a déjà été annoncé, non ?).
Allez, pour faire un effort supplémentaire, on peut priver les bonnes de télé, d’ascenseur et de 4x4. On peut bien les faire courir, de toute façon, c‘est un service qu’on leur rend : ça leur permettra de rester en meilleure santé plus longtemps (espérance de vie sans incapacité, on appelle ça).

mercredi 2 décembre 2009

Automne oriental

Par Elodie

En ces contrées orientales, l’automne - loin de revêtir une triste mélancolie - souffle comme un vent joyeux et libéré. La chaleur écrasante de l’été a laissé place à des journées douces. La nature a repris ses aises, le parc s’est ainsi paré d’un vert intense. Ça et là, les branches des arbousiers ploient sous leur charge rouge.

La ville elle-même a retrouvé toute son énergie (ou peut-être ne l’avait-elle pas perdue tandis que nous n’avions plus le temps de la sentir vibrer), elle croque, elle court, elle rit à cent à l’heure. Sur la Corniche, les jeunes et moins jeunes pavanent et bavardent l’après-midi en regardant les rayons dorés du soleil couchant caresser la mer et la ville. Assis par deux sur les rochers, les amoureux chuchotent suffisamment loin des pêcheurs pour ne pas être entendus. Eux, restent là comme toujours, les pieds –souvent nus- dans l’eau tandis que quelques audacieux se baignent encore. A moins que dépourvus d’audace, ils n’aient simplement perdu la raison. Le thermomètre frôle les 20°C, si bien que les écharpes et les manteaux emmitouflent les passants raisonnables. Heureusement, les vendeurs ambulants de maïs grillés sont là, pour ceux qui ne sont pas trop regardant sur les conditions de préparation. Cric, croc, crac… Les enfants rouziguent les épis encore chauds. A quelques mètres de là, les pêcheurs qui viennent de ramener leurs barques font griller du poisson tout frais sur un barbecue improvisé avec quelques bouts de charbon. On peut fermer les yeux, le nez au vent pour attraper cette odeur fabuleuse, qui sent si bon l’été méditerranéen pour moi. Mais déjà, la nuit s’installe et la fraîcheur me rappelle qu’il n’en est rien. J’ai oublié mon bonnet et mes gants : il faut vite sauter dans un VGV* pour rentrer.


* « Van à grande vitesse » : voir le billet de Julien là-dessus, ou la séquence admirablement filmée par Elia Suleiman dans Le temps qu’il reste, lorsqu’il prend un des ces engins entre Nazareth et Ramallah.

samedi 14 novembre 2009

Sans titre (comme on peut le voir sous certains tableaux)

Par Julien

Envie, comme ça, de poster un billet, au beau milieu de l’après-midi. De renouer avec le Chouei-Chouei Blog, quand bien même, ce blog, au fond, n’est qu’un extrait de ce que nous pouvons partager ici, au Liban. La substance de tout ce tsouin-tsouin beyrouthin est à chercher dans les mouvements diligents d’une curiosité sans voyeurisme, d’un questionnement sans perte de sens, sans anicroche.

Je vais même me permettre de m’auto-citer. Ou de reprendre quelques lignes seulement, envoyées ce matin, par message, à ma famille qui se reconnaîtra ou qui reconnaîtra ledit morceau de texte, mais ne m’en voudra pas. Parce que, bizarrement, j’ai eu envie d’en dire plus, et d’ouvrir cet état d’âme à ceux de nos amis qui souhaiteraient en apercevoir les formes. Histoire de faire écho à ce moment de félicité, à cette journée suspendue au-dessus de nos derniers plans de vol. De toute façon, la vie fonctionne souvent sur ce mode là : on raconte parfois à un de ses proches ce qu’on a vu ou éprouvé, on prend le métro, on rentre chez soi. Et là, on se rend compte qu’on avait plus à dire. Que la piste défrichée s’avérait prometteuse. Que l’humeur mise à jour donnait le ton de toute une journée, voire révélait une allure, une courbe des derniers jours, une tangente rétrospective. Et le soir même, autour d’un verre de vin, on reprend ce fil, et on le prolonge, sans égard pour ce qui a été dit.

La Jordanie me semble déjà loin, disais-je, tant le turbin reprend vite ses droits (et ses devoirs) et, pourtant, le souffle est là, du désert et de la lumière, qui irrigue les veines, et flamboie quelque part, en Elodie, en moi. Ce week-end, ajoutais-je dans ce message, c’est donc farniente, lecture, cuisine, etc. Le soleil était doux ce matin, la ville plutôt calme (il faut raison garder : on entendait tout de même le ronflement des diesels éternels, Mercedes en l'occurrence, des années 60-70), le ciel s’est rabattu cet après-midi, sur des bleu-gris de mi-saison, avec d’épais flocons de nuages. Plus personnel : je précisais ensuite que notre frangipanier a laissé éclore, sur notre terrasse, deux de ses fleurs dont on ignorait jusque-là de quelles couleurs elles pourraient s'enorgueillir : blanc, filant sur un rose frêle et transparent.

Nous pensons à nos proches, aussi, au sens large. Les parenthèses sont faites pour ça, aussi : regarder dans le rétroviseur, et envisager le retour, qui est devant, au bout de la route, au prochain carrefour. Les proches, c’est une litanie de mots, de noms propres, d’images et de rêveries. Je reprends ma liste, et je la nourris encore un peu : Baie-Mahault, ses scolopendres, les nièces, et les rhums arrangés ; Saussines, ses fromages de chèvre, ses vignes vierges, la Clau farfelue et son merveilleux Dédé ; Sainte-Foix, où le ping-pong est un sport qu'on pratique en sous-sol, comme dans une boîte de sardines (Le Gonidec ?) ; Niort, son Panoramic et sa rue Pierre Curie, La Coudraie et Saint-Georges-de-Rex ; et Saint-Hilaire aussi, hilare et tellement poitevin ; ou La Rochelle, son Puilboreau et sa Grand-Rue, ses vieux tonitruants et hypermodernes ; la Bretagne, depuis ses marches historiques jusqu'aux côtes infinies où c'est par-là, dit-on, l'Amérique, Vitré-Rennes-Concarneau, la Guyane, son lycée paumé et verdoyant ; Kinshasa, ses nids de poules sur la route, ses moustiques gros comme des ongles ; et j'en passe et des meilleurs, et/ou Paris, "qui bat la mesure, Paris qui mesure notre émoi", etc. : de quoi bourlinguer. Par les seuls vocables, nous sommes à Beyrouth et ailleurs.

Pensées naïvement vagabondes. C’est si bon.

vendredi 16 octobre 2009

A la machine

Par Elodie

Occupée à pendre une lessive entre deux coups de fil ce midi, j’avais abandonné l’idée de réfléchir, depuis un bon moment, pour laisser mes pensées (ou ce qu’il en reste) voguer paresseusement. Pour une fois. D’un seul coup, en étirant les vestiges d’un vieux T-shirt tirebouchonné, j’ai réalisé pourquoi ça me faisait du bien : ce n’est plus moi qui passais à la lessiveuse. Et je fredonnais : passer ses équipes à la machine, jusqu’à effacer leurs cerveau d’origine…. Vous connaissez pas ? Mais, si, un petit effort. Evidemment, le fameux hit qui reste à la Une du top 50 du farpait manager moderne depuis des mois.

Imaginez le clip, comme dans un dessin animé : on m’aurait vue y entrer en pleine forme, me rabougrir à mesure que ma tête tournait dans le tambour (avec le visage écrabouillé sur la vitre bien sûr !), puis être éjectée en loque comme Astérix envoyant en l’air ses Romains préférés… Malheureusement, mes (non)talents de dessinatrice ne me permettent pas de vous faire ce drôle de petit schéma d’un coup de crayon.

C’est incroyable comme ça réveille l’imagination ce genre d’activité. Vive la machine à laver et l’étendoir ! En attendant, je vous rassure : c’est vendredi (Youpi !), dans quelques heures, je m’étends confortablement dans notre sofa pour y « sécher » tout le week-end.

dimanche 11 octobre 2009

Quotidien beyrouthin

Par Elodie

Je travaille, tu travailles, nous travaillons…

Vous avez saisi ?
Je travaille, tu travailles, nous travaillons…

Toujours pas ?
Je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons…Je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons…Je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons…Je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons…Je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons…Je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons…Je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons…Je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons…Je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons…

Ca fait du bien quand ça s’arrête n’est-ce pas ?
Nous aussi, on a hâte de pouvoir sortir de notre carapace, transformée en format XL, maxi épaisseur pour résistance optimale. Avec tout ça, même plus le temps de voir Caroline la tortue, ni Georges le cafard… Seulement quelques rencontres nocturnes avec Frédéric le moustique, très en forme après les pluies et le regain de chaleur de ces dernières semaines.
En attendant, de pouvoir sortir la tête de notre tanière, on vous embrasse… et je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons… Je travaille, tu travailles, nous travaillons…

jeudi 17 septembre 2009

Blogueurs cherchant blogueurs à Beyrouth


Par Julien

Le Ta Marbuta, dans le quartier d'Hamra, n'est pas seulement le bistrot le plus studieux de Beyrouth (bibliothèque à disposition, étudiants de l'AUB en pagaille, ordinateurs sur les genoux, wifi un peu partout) ; c'est aussi une excellente plateforme pour rencontrer celles et ceux qui, sur leur temps libre, divaguent numériquement, se laissent aller à parler de leur ville, de leur environnement, etc, depuis leurs blogs.

Rendez-vous fut fixé, à l'aveugle, le mardi 15 septembre au soir en multipliant les appels sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, notamment), et sur Rue89, avec l'aide des journalistes Pierre Haski, Philippe Couve, Simon Decreuze, et Eric Scherer.

Au bout du compte, une assemblée bigarrée, croissante au fil des heures, curieuse de tout ce qui se dit et s'écrit sur le Liban, et partageant (grosso modo) un même désir : dire et/ou montrer la ville, parler de soi (un peu, sans trop, avec un coup de crayon, des photos, ou quelques vidéos).

Pour en savoir plus, Pierre Haski en a fait un petit article, sur un des blogs de Rue89 (Presse sans presses), donnant quelques pistes, quelques liens, pour commencer à voyager sur la blogosphère locale.

P.S. : Je sais, je n'ai pas pu écrire de billet, ces derniers temps, sur ce blog. Et celui-ci est bien court. Cela étant, par définition, un blog est capricieux, inconstant, n'est-ce pas ? Ah, ça viendra, ça viendra, ça viendra !

Re-P.S : A suivre aussi sur l'Atelier des médias de RFI, de Philippe Couve et Simon Decreuze.
(Enregistrée à Radio Liban. Pour la photo, merci à Samer Karam)

lundi 14 septembre 2009

Il pleut, il mouille, c’est la fête à… la tortue !

Par Elodie

Un son doux et régulier que nous avions oublié, un air frais inespéré (on a frôlé le 28°C) et un calme inattendu nous ont enveloppés hier matin. Un instant, nous avons hésité. Pas de doute pourtant : la pluie est (enfin) revenue. Une demi-heure tout au plus, mais quelle joie ! Les yeux fermés, avec le renfort de notre imagination, on aurait pu se croire à Audierne un certain 14 juillet. Un peu plus et on improvisait le bal de la pluie… Pas le temps de sortir les cirés, les grosses gouttes nous ont accompagnés le temps d’un petit-déjeuner matinal, avant de laisser place à la chaleur qui nous écrase encore pendant la journée.

Le changement, qui est pourtant bien là, ne se repère qu’à une succession de petits riens : une trace, ténue, d’eau sur le toit de l’immeuble d’en face, une odeur forte montant de la terre, une foule de petites bestioles en ébullition. Fourmis, moucherons, cafards (la bande à Georges, pour les intimes) s’agitaient sous mes baskets tandis que je venais me défouler au parc. Toutes, sauf une, immobile dans les herbes coupées : « Caroline », la tortue, me regardait de son œil tranquille tout en rentrant d’un mouvement superbement lent et incroyablement continu dans sa carapace.

Je vous vois venir, c’est terriblement banal une tortue de terre, surtout quand elle est à peine plus grosse que le poing. Que voulez-vous, tout le monde n’a pas des mygales et des perroquets hurleurs à sa porte. Alors, il faut bien se réjouir de ce que l’on a à portée de main : vive la pluie et les tortues ! Il ne nous manque plus qu’à apprendre à rentrer tête et pattes bien au sec pour laisser passer l’orage. Rassurez-vous : on s’entraîne, des fois qu’une nouvelle épreuve soit ajoutée en dernière minute aux Jeux de la Francophonie.

lundi 24 août 2009

Chouei chouei, le retour

Par Elodie

- Allo, Beyrouth ?
- …
- Mais que se passe-t-il ?
- …
Rien, silence radio depuis des semaines. Bizarre ? Non, rassurez-vous nous ne nous sommes pas perdus dans le blizzard de l’été : nous nous sommes juste octroyé une petite pause. Après une parenthèse chypriote, nous voilà de retour à Beyrouth. C’est vrai, on avait oublié les négociations interminables avec les chauffeurs de taxi qui refusent parfois de rendre la monnaie, les coupures de courant, les concerts de klaxons… et les fuites d’eau ! Pas de pluie depuis mai, sauf dans notre appartement. Quel privilège n’est-ce pas ? Heureusement, nous avons retrouvé le hommos, le taouk et les kebbés, et le sourire avec.
(- Dring !)
Sfouf alors, j’avais oublié que le plombier avait promis de passer… il y a un mois !

vendredi 24 juillet 2009

Beyrouth, en été, roule-t-elle des mécaniques ?

Par Julien

Je sais ce que vous pensez? Je sais ce que vous avez envie de me dire. Je vous vois venir, oui, parfaitement, oui (et j'ai bien tort, mais c'est plus fort que moi, relent de mauvaise conscience). Celui-là, pensez-vous : il va nous parler de vacances (c'est le titre qui vous murmure ce trait) alors que ça faisait quelque temps déjà qu'il ne postait plus sur Chouei-Chouei, le blog. Il n'en branlait pas une, vous dîtes-vous. Et vous avez raison, et vous avez tort en même temps.

Que voulez-vous ? Le temps fait son chemin comme il peut, et moi, comme je peux. La géographie vous emmène là où vous n'étiez pas. J'y suis, j'y reste, mais je ne sais pas. Y suis-je ? Le climat vous déboussole : vous n'êtes plus ce rythme qu'on vous connaît, vous êtes ce rythme nouveau, décuplé, léger et serpentin. Je passe entre les gouttes (de l'air chaud, sublime et humide). Je traînasse sous l'haleine de feu (le soleil ne désemplit pas). Je lis comme je respire. Et je boucle la boucle de mon année avant la rentrée. Sans compter sur mes projets qui me brûlent les doigts.

Beyrouth, elle (ou peut-être devrais-je dire : « lui » - doit-on personnifier une ville en lui attribuant un sexe ?), ne chôme pas non plus. Ne dort pas, bouchonne et klaxonne, parade et caracole. Les vacances, cette année, c'est près de deux millions de visiteurs pendant l'été. Deux millions de pèlerins sur l'équivalent de deux départements français. Tous les hôtels sont complets, pas de voitures de location disponibles, les restaurants bondés. Deux millions : soit près de la moitié de la population (estimation, bien entendu, puisque les dernières statistiques officielles en la matière remontent à 1932, histoire de ne pas froisser les communautés susceptibles).

Inutile de dérouler plus longtemps les variables de l'équation. En survolant le résultat, je dirais sobrement que c'est le bordel (un joyeux bordel, un sacré bordel, et un bordel sans limites). Pas de traitements des eaux usées, pas d'électricité pour tout le monde (manque quand même un quart de ce qui faudrait), pas de transports publics, pas de plages publiques (ou presque), pas de régulation des prix, etc. Les touristes ne se privent pourtant pas.

Pétrodollars et finance à gogo. Paradis fiscal et vodka plein pot. Je te fais péter du Hummer (4*4 de l'armée américaine transformé en paquebot roulant) tout chromé sur la corniche. La Lanborghini en double-file, je te paie un petit whisky ? Une bouteille, même. Une caisse, si tu veux. Bang Bang, Nancy. Et on fera la soirée en Porsche. Direction le Sky Bar : feu d'artifice tous les soirs, musique électronique, entrée sur invitation seulement (sauf les jolies filles refaites et plastiquées : entrée libre), piquette VIP (c'est imbuvable mais ça vous crame le gosier).

Ce n'est pas tout, ce n'est partout comme ça. Même si on a parfois l'impression que la vie est tentée de ressembler à sa propre caricature. Question à la Oscar Wilde : est-ce l'art qui imite la nature, ou la nature qui imite l'art ? Beyrouth, Oscar Wilde ? Du dandysme subreptice entre deux coupures de courant ? Pourquoi pas. Là encore : la vitalité retrouvée de cette ville donne du fil à retordre, mais dessine de belles figures dans le ciel. C'est si bon, une traversée de la ville sur les chapeaux de roues, avec un chauffeur qui se poile et des filles qui se pomponnent. Beyrouth pue le carbone et fond entre deux passages de climatisation, mais Beyrouth fait la coquette. On danse ?

mercredi 15 juillet 2009

Qu'il est douloureux d'être... gourmands !

Par Elodie

Nos découvertes gastronomiques se poursuivent au fil des saisons, avec l’arrivée régulière de produits inconnus sur les étals de notre marchand de légumes. Après moult hésitations, je me suis décidée à expérimenter – encore et toujours ! – les petites fusées vertes qui me narguent du haut de leur étrangeté depuis quelques semaines.

Me voilà donc avec une bonne livre de cornes grecques, aussi appelées gombos, ou encore « bania » en arabe libanais, en poche. Une rencontre qui n’a pas manqué de piquant : ces petites cornes vertes sont dotées de petites épines très fines lorsqu’elles sont crues. Obligatoire, l’épluchage des pédoncules m’a donc laissé les mains usées et douloureuses. Un instant, le souvenir de mes premières figues de barbarie, dévorées avec gourmandise sur une plage algérienne m’est revenu. Surtout, les heures passées ensuite à geindre devant la main de ma maman armée d’une pince à épiler. Heureusement, les épines des gombos ne sont ni aussi longues, ni aussi dures.

Mais alors, vous avez mangé des épines ? me direz-vous. Que nenni, à la cuisson, elles disparaissent, tandis que les petites cornes vertes deviennent tendres. Quel bonheur alors de découvrir ce nouveau goût parfumé et aussi doux que les épines sont hargneuses… Pour être gourmand aussi, il faut savoir souffrir !


Gombos à l’huile d’olive

(Bémié bzeit)

Si les gombos ainsi cuisinés peuvent se servir en mezzé, froid ou chaud, ils constituent aussi un excellent plat, accompagnés par exemple de borghol.

Préparation : 30 minutes (si vous êtes rapides pour l’épluchage)

Cuisson : 30 minutes

Pour 6 personnes :

1 kg de petits gombos frais ou surgelés

3 ou 4 tomates bien mûres

3 oignons

1 tête d’ail

3 cuillères à soupe d’huile d’olive


Si les gombos sont frais, peler le pédoncule sans le couper (cela permet de les garder fermes à la cuisson).

Eplucher les oignons et les hacher, puis peler l’ail mais laisser les gousses entières. Peler les tomates et les couper en quartiers.

Dans un faitout, faites revenir les oignons quelques minutes avec le reste d’huile d’olive. Ajouter les gombos, les tomates, puis les gousses d’ail entières. Saler et poivrer. Couvrir et laisser mijoter 20 minutes à feu doux.

Il est possible d’ajouter à la fin de la cuisson de la coriandre fraiche ciselée, en fonction de votre goût.

lundi 6 juillet 2009

La chaleur par le menu

Par Elodie

En plein mois de juillet, vous allez me dire que mon sujet du jour est plus que banal. Par 35°C et avec plus de 50% d’humidité, il est pourtant crucial. Comment se nourrir quand la chaleur vous écrase ? Il n’y paraît pas mais le moindre faux pas peut s’avérer fatal, et une simple assiette de pâtes à la bolognaise vous envoyer au fond du lit pour plus de 48h avec une indigestion carabinée. Vous riez ? L’affaire est pourtant véridique. Un plat chaud le midi par ces températures et le travail de votre estomac vous fait l’effet d’entrer dans un four à pain. Circonstances aggravantes bien sûr lorsque la coupure d’électricité quotidienne tombe entre midi et quinze heures : votre bon ami le ventilo vous regarde alors silencieusement de ces palles désespérément immobiles.

Pas question pour autant de se laisser aller au jeûne, mais que faire ? Du froid, du froid et du froid. A y regarder de plus près, tout ou presque peut se manger froid en salade : riz, pâtes, semoule de couscous, blé concassé (appelé ici borghol), pain frit… Et bien sûr, exit le thé et le café ! Voici venu le temps de la limonade, la vraie, l’unique et délicieuse limonade qu’on sert glacée dans tous les cafés beyrouthins. Heureusement, la cuisine libanaise a quelques tours dans son sac en la matière. Notre préféré ? La fattouche sans la moindre hésitation.


Fattouche

C’est la salade paysanne par excellence, on y retrouve diverses herbes du jardin : pourpier, menthe, persil plat ou laitue, ainsi que du radis, de la tomate, du concombre ; mais également du pain rassis qui est grillé puis émietté – de cet acte d’émiettement, qui se dit fatt, provient le nom du plat. Certains y ajoutent même des aubergines frites. En guise de touche finale, il faut saupoudrer le plat de quelques bonnes pincées de sumac, sans lesquelles les Libanais ne reconnaîtraient ni le goût ni la couleur de leur fattouche.

Préparation : 30 minutes

Pour 6 personnes :

2 salades sucrines

Ou une salade romaine

250 g de tomates cerises

Ou 3 tomates

2 petits concombres

Ou la moitié d’un grand

½ botte de radis

4 cébettes

ou petits oignons nouveaux

1 bouquet de persil plat

½ bouquet de menthe

15 cl d’huile d’olive

5 cl de vinaigre de vin rouge

1 cuillère à soupe de sumac

Sel

Préchauffer le four à 150 ° C (Th 5).

Effeuiller le persil et la menthe.

Couper les salades sucrines en lanières, les tomates cerises en deux ou dans le sens vertical (en cubes, si ce sont des tomates de taille normale), les radis et les cébettes en rondelles, les concombres non pelés en demi-rondelles.

A l’aide de ciseaux, couper le pain en carrés de 2 cm de côté, séparer les 2 faces de chaque morceua et les faire griller au four dans un plat pendant 10 min.

Mélanger le pain avec l’huile d’olive et le sumac, ce qui aura pour effet de garder le pain croustillant.

Juste avant de servir, mélanger tous les ingrédients avec le pain, ajouter le vinaigre et saler.

Variantes

Une autre recette beyrouthine exclut du fattouche vinaigre, persil, menthe et laitue, les compensant par une plus grande quantité de sumac et de pourpier. Celui-ci étant parfois difficile à trouver, il peut être remplacé par de la mâche.

Bon à savoir

Traditionnellement, on dit que la peau du concombre favorise sa digestion. Si vous le souhaitez, vous pouvez malgré tout le peler, une bande sur deux.

Vous pouvez préparer cette salade à l’avance, pour l’assaisonner au dernier moment.

(Extrait de Cuisine libanaise d’hier et d’aujourd’hui, d’Andrée Maalouf et Karim Haïdar.)

samedi 27 juin 2009

Je, tu, moite, eux, ils tirent

Par Julien

Cette semaine, ça a cogné sec au dessus de nous. Changement de saison. Avec l’été, le ciel d’été. Depuis la fête de la musique et ses déambulations incroyables (des piétons à Beyrouth, c’est suffisamment rare pour être remarqué), le soleil écrase. Sans cesse. 35 degrés par-ci, 36 degrés par-là (ça dépend si vous avez de l’ombre). Les allers et retours sont épuisants. Traverser une rue : une épreuve. Prenez la place du Mathaf, le Musée national, avec sa pierre ocre et ses colonnes lotuformes. Il ne bouge pas, vous regarde du haut de son emmarchement massif, et vous, vous devez passer par là comme si tout allait bien. Oui, bien entendu, tout va bien. Mais il fait chaud !

Les vêtements, en permanence, sont humides. La racine des cheveux, tout le temps trempée. Les pantalons collent. Et les chaussures puent, quoi qu’on fasse. En plus, passé l’épreuve du soleil de midi, la climatisation vous congèle tout cru. Les Libanais adorent les extrêmes, le gigantisme, la démesure. C’est un lieu commun, c’est ce qui se dit. La réalité va parfois bien au-delà. Si toutes les maisons ont une climatisation, ce n’est pas pour adoucir les morsures de l’air : c’est pour la faire tourner à fond de cale !

On ne le répètera sans doute jamais assez. Alors avis aux visiteurs potentiels : l’été, au Liban, est costaud, et peut vous mener la vie dure. Pourtant, quelle félicité que ce ciel sans limite, débordant de bleu. Le ciel est immense, le matin. C’est sa première couleur. A midi, il devient invivable. Et le soir, on glisse sur un rose et bleu (les pins dessinent alors à l’horizon des ombres magnifiques), avant de sombrer dans une nuit électrique. Le vent, quand il est là, est un fleuve de douceur. Une clémence occasionnelle, et une joie permanente pour tout le corps.

Nous résistons, malgré tout, à la tentation de la « clim’ » systématique. Trop risqué : dilution des sensations, affadissement de l’expérience. Pourtant, notre appartement est équipé. Nous verrons si nous tiendrons. Pour l’instant, sommes patients. Durs au mal. L’acclimatation demande un peu de méthode, et pas mal de ténacité. Nous nous sommes aperçus, aujourd’hui, que nous nous sentions à l’aise à 30 degrés. Comme s’il avait fait moins chaud, aujourd’hui. Est-ce le cas ? « Ma barif » (« je ne sais pas »). Le ventilateur est devenu notre plus fidèle compagnon de route. Un par pièce. De quoi tenir le coup.

Le ciel peut s’avérer bien orageux, aussi. Voire dangereux. Pas plus tard que maintenant, à l’heure où j’écris ces lignes, des crises de sulfateuses, des détonations sourdes, des rafales automatiques. Personne dehors (ou presque). Saad Hariri, fils du défunt premier ministre qui se distinguait (physiquement) par ces deux énormes sourcils, a été chargé de constituer son gouvernement. C’est toujours comme ça. Comme lors des législatives, par exemple, du 7 juin dernier. Chaque temps fort de la vie politique libanaise implique ces manifestations de liesse particulières. Pas de panique. Au fond, on s’habitue (presque) à tout. Et on attend sagement à la maison. C’est quand même préférable : avant-hier encore, comme ça, ces « feux de joie » ont provoqué la mort d’un promeneur et ont blessé onze badauds au Liban. Un obus (de type B7, soyons précis) s’est même abattu sur le préau d’une école. Heureusement, personne n’a été blessé. Il ne faut pas croire : des tonnerres de désapprobation suivent de près chacun de ces épisodes. Mais que voulez-vous : les habitudes sont les habitudes.

Alors c’est simple. Dans ces moments, dès que ça tire, tout le monde rentre. Il suffit d’avoir un toit au-dessus de sa tête et de ne pas traîner trop près des fenêtres. Une maxime, dans ces cas là : sors ton livre et attends. On s’est habitués. Et somme toute, ces événements restent rares, circonscrits, et faciles à oublier. On s’y fait. D’ailleurs, dans ces cas-là, l’été ne vous oublie pas, lui. Si votre ventilateur s’étrangle pour cause de coupure quotidienne de courant (on ne sait jamais à quelle heure ça vient…), les gouttes de sueur ne tardent pas à vous rattraper. On n’arrête pas comme ça le chant d’une saison.

samedi 13 juin 2009

Retour définitif et durable de l’insouciance ?

Par Julien

Pas de politique sur notre blog. C’est la politique de notre Chouei Chouei blog. Ce n’est ni la conséquence d’une apathie constitutive de notre regard, et ce n’est pas non plus la marque d’un désintérêt profond et las. Il s’agit d’éviter à tout prix ce qui arrive à nombre de blogs abordant frontalement ce genre de questions au Liban : le déferlement de commentaires injurieux et/ou malveillants. Le Chouei Chouei blog vous emmène là où on ne l’attend pas.

Cette façon de dire et de voir le Liban n’empêche pas de s’arrêter un instant : Beyrouth, depuis une semaine, vit dans une liesse indescriptible. Une insouciance retrouvée. Les élections n’y sont pas pour rien, évidemment. Le processus électoral des législatives s’est bien passé. L’inquiétude jalonnait chacun des déplacements, une attente incertaine nouait le ventre des uns, travaillait sourdement les autres, et l’incertitude de l’horizon retenaient les Beyrouthins. Depuis lundi dernier, c’est reparti. Pas de problèmes. Rien à signaler. Non pas que les choses soient arrangées pour le Liban. Tout est même, en un certain sens, à recommencer.

Mais cette étape heureusement traversée a libéré les corps et délié les langues. L’été approche, les projets personnels reviennent sur le tapis, les restaurants ne désemplissent plus, les klaxons klaxonnent. Dans les minibus (les fameux « VGV »), on fonce, on se marre, on y va. Porte ouverte, radio à tue-tête, rien à faire, on zigzague, on freine devant les groupes de filles, on fait des queues de poissons aux autres, on grogne sur les policiers.

Beyrouth est redevenue Beyrouth. Le soleil vous écrase tous les midis, la moiteur vous trempe les os chaque jour, mais vous crapahutez comme un cabri. L’heure typiquement beyrouthine a de nouveau sonné : retour de la vie dans sa plus folle insouciance, coexistence pacifique, infinies roucoulades en front de mer (saccagé par des hordes de bétonnières, qui ont repris dès que possible le service). La vie est belle parce qu’elle est tenace, tour à tour capricieuse et odieuse, et foncièrement insoumise.

P.S. : Vous trouverez ci-dessous trois billets, construits comme trois épisodes retraçant notre périple en Syrie. Désolé, retailler les photos nous a pris un peu de temps… Et une certaine forme d’insouciance ne nous anime-t-elle pas, finalement ? Plaisir indescriptible du temps librement fourragé.

Etape damascène en images





La traversée du désert






Palmyre, caprice de Zénobie











samedi 6 juin 2009

La frangipane, ça pousse dans les arbres ?

Par Elodie

Il y a des jours où on se demande pourquoi on s’est levé : on rencontre « Georges » et tous ses amis, on souffre de problèmes informatiques (Que sommes-nous désormais sans Word ou sans Internet ?), de coupures de courant qui ne respectent pas les plannings, de retards de paiement, d’interlocuteurs désagréables, etc. Et il y en a d’autres, heureusement, qui bondissent de surprise en surprise.

Hier par exemple, j’ai récolté deux chèques et découvert comment ici au Liban, on peut même encaisser ceux d’une tierce personne. Une erreur sur le nom indiqué sur votre chèque ? Ohlala, il va falloir attendre encore des semaines pour qu’ils le refassent sans se tromper… Mais non, habibi, ma fi machklé : pas de problème. Une simple petite signature et c’est arrangé. Je suis restée ébahie devant ma banquière qui n’a pas bronché, tout juste demandé si c’était bien « mon amie » qui avait signé. Autre chose, Madame ? Heu, non…

Légère et joyeuse, j’ai descendu la colline en moins de deux pour rentrer à la maison, où m’attendait en fait une autre surprise. Une fée, il y en a plusieurs dans notre voisinage, m’avait déniché un arbre abandonné pour habiller notre petit balcon. Mais pas n’importe quel arbre : un beau frangipanier, déjà plus grand que moi. En hiver, ils ressemblent à des arbres quasi préhistoriques avec leurs petits troncs dénudés, mais la chaleur estivale fait éclater de grosses feuilles parsemées de fleurs parfumées.

Mazbout ! Très bien, mais… Comment je fais pour le porter jusqu’au cinquième étage ? Ma fi machklé, habibi : l’ancien propriétaire de l’arbre, qui avait souhaité changer de décor, me l’a monté tandis que la fée me ramenait un énorme pot et de la terre pour installer notre nouveau locataire. Notre bel oranger et son cousin le pamplemoussier ont désormais un grand frère qui se dresse fièrement sur le balcon. Certains se diront peut-être que j’aurais dû jouer au loto. Ils ont peut-être raison, mais tout cela ne répond pas à la question que vous vous posez tous : le frangipanier, c’est l’arbre qui donne la frangipane ?

Que nenni, il en donne seulement l’odeur – paraît-il, lorsqu’il est fleuri. M'enfin ! Vous savez bien que la frangipane est une crème à la poudre d’amandes, qui ne pousse que dans les casseroles de cuisinières aguerries. Décidément, il faut vraiment que je reprenne mes chroniques gastronomiques.

Vrai faux sfouf... au citron !

Voici un gâteau qui d’emblée nous a fait pouffer de rire : le sfouf ! Le quoi ? Le sfouf est un gâteau libanais légèrement croustillant, il est fait à partir d’un mélange de semoule de blé fine et de farine classique, qui se pare d’une belle couleur jaune grâce au curcuma. Hum, ça a l’air terriblement bon… Sfouf alors ! C’est à l’anis et j’aime pas ça.

Ma fi machklé (pas de problème), j’ai plus d’un tour dans mon sac et je ne vais pas me décourager pour ça. Après quelques expériences, j’ai abouti à cette recette de vrai faux sfouf au citron : la même texture que son cousin à l’anis, avec une saveur agréablement acidulée. Au goûter, au petit-déjeuner, au dessert… Sfouf alors, yen a déjà plus !

Préparation : 15 minutes

Repos de la pâte : 1h

Cuisson : 20 min

Pour 6 personnes :

300 g de semoule de blé fine

250 g de farine

300 g de sucre en poudre

20 cl de lait

50 g de beurre à température ambiante

10 cl d’huile neutre

2 citrons pressés

1 cuillère à café de curcuma

1 cuillère à café de levure chimique

25 g de pignons de pin

1 cuillère à café de téhiné

Mélanger la farine et la semoule avec le beurre et l’huile, ajouter le sucre, le curcuma et la levure, puis ajouter le lait en enfin le jus de citron.

Enduire de téhiné un plat à tarte de 30 cm de diamètre, y étaler la pâte à sfouf, l’aplatir avec la main mouillée pour éviter que la pâte colle.

Parsemer de pignons de pin.

Laisser reposer pendant 1h15 min avant la fin, préchauffer le four à 250 °C (th. 8-9) pendant 15 min.

Enfourner le sfouf et laisser cuire pendant 20 min.

Sortir le plat du four. Le laisser tiédir et couper ensuite des parts en forme de carré ou de losange de 3cm de côté.

Ces gâteaux se conservent une semaine dans une boîte hermétiquement fermée.

Recette adaptée d’un extrait de Cuisine libanaise d’hier et d’aujourd’hui, d’Andrée Maalouf et Karim Haïdar.

vendredi 29 mai 2009

Impressions de Syrie

Par Julien

La leçon, pour jargonner un peu à l’ancienne, des voyages hors des frontières (limites qui se reconstituent sans cesse, où que l’on se trouve) des us et coutumes, c’est la révélation de ce qu’on pressentait parfois. Ou de ce qu’on ressentait. Notre excursion syrienne m’a tout appris de ce que je savais déjà. Il y a quelque chose comme ça. Beyrouth, le Liban, la région, c’est comme si je les connaissais mieux maintenant. Connaissance, non pas au sens un peu revêche, un tantinet scolaire, d’un cumul érudit, mais d’un retour réfléchi de sensations.

A quel moment, d’ailleurs, peut-on dire que l’on comprend, un temps soit peu, un territoire nouveau ? A tout moment, après tout. Mais jamais complètement. « Ah ? », me direz-vous, et vous avez raison. Ce qui n’éclaire en rien notre propos, nous sommes d’accord.

Alors pour un premier jet, un billet bref, une esquisse sans trop d’esquive, comment dire l’indicible ? Inénarrable périple, par-delà une frontière sensible et tatillonne (que de paperasses !), par-dessus les montagnes (de moins en moins de neiges éternelles), jusqu’à la capitale syrienne, Damas, puis le désert, Palmyre, centre de nulle part, étendue entre les monceaux ocre,s les plis de rocaille, les sables volants. Ancienne folie de la reine Zénobie, sur la frange d’une oasis, verte comme il se doit, avec ses palmeraies adjacentes, ses fruits généreux, ses eaux vivantes.

En partant en Syrie, honnêtement, on s’attendait à tout. Là, c’est l’expérience libanaise qui parle, au moins autant qu’un postulat philosophique fondamental : ne jamais perdre le sens de l’étonnement. Mais on ne s’attendait pas, certainement pas, à ressentir « l’effet Liban » avec un tel écho. Et quelle rondeur ! Les tics de la région. Les accents locaux. Tout : nous avons tout reconnu. Comme si on s’habituait. On est un peu chez nous. Et pourtant, Liban et Syrie ne se ressemblent pas tout à fait.

Aller en Syrie depuis Beyrouth, c’est où ? Descendre vers l’avenue Charles Hélou. Gare routière en béton, fleuron des années 1960, époque du triomphe de la modernité automobile, quasiment pompidolienne en son temps, et plutôt grise 40 ans plus tard. Attendre que les taxis vous sautent dessus (compter deux secondes seulement), puis choisir. A vous de voir pour le standard. Voiture américaine, ça ira (point trop n’en faut, pour une première fois, et notre homme arrangera toutes les formalités à la frontière).

C’est ensuite, et ensuite seulement que l’on se rend compte de ce qu’on sait déjà. De ce qu’on a appris. Du chemin que l’on a accompli. Exemple. Au Liban, les bagnoles foncent, klaxonnent, et puent. On l’a déjà vu dans un de nos « chouei chouei » billets. Arrivés à la frontière, situé sur la crête des monts de l’Anti-Liban, passés les lacets à n’en plus finir (nids de poule, chaussée glissante, ponts cassés par les bombardements israéliens de 2006 à contourner, etc.), les check-points en veux-tu en voilà, traversées les étapes obligatoires (files d’attentes, visas, tampons, bref examen médical pour éviter d’importer la grippe porcine), nous avons basculé dans un ailleurs à la fois familier, et franchement bizarre.

Moins de bagnoles. Des rues larges, entretenues. Des pancartes partout, à l’effigie, majoritairement, du grand patron de la maison (moustache de rigueur, yeux clairs, costard), fils de son père (le Lion, disait-on), et père de la nation. Ici, on roule droit. Pas de doute là-dessus. L’armée est partout (casernes, par ci, casernes par là), qui vous le rappelle en passant. Rien à voir avec Beyrouth. L’armée, au Liban, protège les Libanais contre les Libanais. En Syrie, c’est un peu autre chose. Je ne détaille pas plus longtemps. L’autoritarisme, vous avez compris, ça vous dessine un certain type de paysage, ça vous impose un certain type de rapport à la loi.

En Syrie, une constatation, enfin. L’œil nous a tout dit, lors de notre excursion, de notre passage définitif du côté du Moyen-Orient. Beyrouth regarde encore de tous les côtés : Méditerranée, Atlantique, Amériques, Emirats arabes unis, Asie… La Syrie n’a plus exactement les mêmes tropismes, ni les mêmes mouvements d’hésitations. Moins de pas chassés, moins de tergiversations. Architectures (ommeyade, abbasside, ottomane,…), lumières (chaudes, jaunes, brûlantes), populations (Syriens, Bédouins, Saoudiens, Irakiens, etc), langue (arabe pour tout le monde, et c’est tant mieux : ce fut là l’occasion de s’immerger pleinement dans le dialecte de la région) forment un ensemble dont se dégage une cohérence nouvelle. Précisément, plus vous vous enfoncez dans le désert, plus le Liban vous semble loin, et plus Beyrouth vous paraît proche (intérieurement, par contrepoint, bien entendu). Je veux dire : le bordel et l'inattendu ont du bon. Les filles en jupes ou en maillot de bain, les terrasses où il est encore possible de boire une bière fraîche, les engueulades entre automobilistes qui ne finissent pas dans les larmes, mais dans des effusions de... "habibi !"

A défaut de pouvoir vous le démontrer (pas de géométrie dans ce blog !), il va falloir essayer de vous le montrer. Si je pars dans de grandes plages de divagations, on ne va pas s’en sortir. Un billet de blog, il faut que ça swingue. Alors des photos ne devraient pas tarder.

vendredi 15 mai 2009

Fais-le malin, mon coco, la pluie pourrait revenir !

Par Julien

Matin matinal, matin auroral. Matin à la fois laborieux et oisif. Et matin doux, sous le bleu de bleu du ciel. Matin malin, matin éternel. Qui attend quoi ? Le lendemain ? Jamais. Erreur. L’instant est là. Sous vos pieds, le tapis du devenir. Le devenir dans le là. Il faut savoir sentir, solliciter l'invisible, et le monde resplendit. Le temps, transfiguré en un tour de passe-passe.

Malgré les bouchons (7h30 : les vieux jouent au trictrac, les bagnoles fanfaronnent du klaxon), Beyrouth n’arrête pas de rire. C'est toujours comme ça. Il y a eu tellement de larmes, ici. Le chauffeur du bus me donne du « habibi », en me demandant si je sais où je vais. Est-ce je sais, moi ? Est-ce qu’il sait, lui ? « Malech ! » Pas de problème, mon biquet. On y va ! Hamra ! Ras-Beyrouth ! Le quartier même où la mosaïque beyrouthine vous saute aux yeux. La jeune femme, assise en face de moi, n’arrête pas de se marrer non plus. Pourquoi ? l fait chaud, pourtant. Pas la force de bouger. Tout le monde a chaud, ça se voit, chacun tire sur son bout de fenêtre pour faire venir de l’air (et du dioxyde de carbone, meilleur ami du promeneur). De l’air ! Roule, roule ! C'est si bon. La porte coulissante reste entrouverte pendant que le minivan fonce.

A midi, hier, c’était pire, c’était mieux, comme on veut. Le cagnard cognait sec. Détour par la pâtisserie, malgré tout. Pas folle la guêpe. On risquait d’être en rade de langues de chats. Détour nécessaire, envie insurmontable., que voulez-vous ? Dans l’échoppe, comme toujours, c’est quelques degrés en plus, et sans un filet d'air. Patience. Il faut savoir souffrir. « Noss kilo howda, wa noss kilo howda, min fadlak ». Il faut ce qu’il faut. Un demi kilo de chaque, s’il vous plaît. Ils nous prennent pour des fous, de fiffés gourmands, mais on y revient toujours, infatigables.

Qui je croise, après manger, dans cette journée sans dessus dessous ? Georgette. Un rire sur patte. « Marhaba, Georgette ». Elle éclate de rire. « Kiffic ? » Elle éclate de rire. Mais qu’est-ce que j’ai dit ? Elle est pas croyable, celle-là. Bon, ben je continue. J’arrive au boulot, et je retrouve une ribambelle d’amis attablés. C’est l’heure du café. Allez. On y va. On s’assoit un peu. De toute façon, depuis trois jours, je bosse comme un demeuré. Deux minutes assis ne vont quand même pas m’esquinter.

Et là, le croyez-vous, qu’est-ce que j’apprends ? La météo annonce de la pluie pour demain. « Chou ? » « Quoi ? » Et moi qui, hier matin encore, pensais que, conformément au sabir de nos amis beyrouthins, les prochaines pluies, nous ne les verrions qu’en octobre… En attendant, notre décision est prise, quelque soit le temps (d’ici là…). Le week-end de l’ascension, ce sera la Syrie. Damas et Palmyre.

jeudi 7 mai 2009

Rencontre avec Georges, notre premier locataire

Par Elodie

Après plus de deux semaines dans les odeurs acres de peinture brûlée au chalumeau, puis de peinture fraîche, nous avons retrouvé le calme de notre appartement. Un brin remis à neuf et désormais aussi sec qu’un sauna. Hier soir pourtant, un cri a déchiré cette joie paisible. Le mien bien sûr ! Je venais de faire connaissance avec notre premier locataire dans la salle de bain : Georges, un grand gaillard d’au moins cinq centimètres de long, ses antennes pointées vers mon pied. Georges, Blatta orientalis de son état, de l’ordre des Blattoptères, au sein du super-ordre des Orthoperoidae, dans l’infra-classe Neoptera, qui fait partie de la sous-classe Pterygota dans la classe Insecta bien sûr, du sous-embranchement Hexapoda au sein de l’embranchement Arthropoda, qui fait partie comme de bien entendu du règne animal. Georges donc, dont vous connaissez maintenant la classification phylogénétique exacte.

Pour faire plus simple, notre hôte est un cafard, cancrelat ou coquerelle pour nos amis d’Outre-Atlantique. Et Georges possède bien des qualités : il court vite, très vite, et il vole même ! Une tatane à la main, nous (j’avais appelé du renfort) avons fini par parvenir à nous débarrasser de ce spécimen quelque peu coriace. Mais Georges a bien marqué la fin de notre petite tranquillité, car il n’arrive jamais seul comme nous l’ont confirmé nos voisins, armés jusqu’aux dents pour faire face à de telles invasions : la bataille va bientôt commencer ! Mais rassurez-vous, nous avons mis les vivres en lieu sûr (après avoir dévalisé le rayon bocaux en verre de mon petit bric-à-brac préféré) et nous allons chercher de ce pas des munitions. Ce soir, la bombe (anti-cafards bien sûr) à la main, je m’en irai combattre les cousins de Georges dans les interstices des bouches d’aération.

mardi 5 mai 2009

Le mot "blog" ne rime-t-il pas avec périodicité intenable ?

Par Julien

Passage éclair sur Chouei Chouei Beyrouth, le blog. La période est agitée, florissante, foisonnante, et in(dé)finiment susceptibles de variations. Beaucoup de travail, pas mal de sorties, bien des découvertes. Je lance ce billet sur l'océan sans bien savoir s'il va atterrir quelque part. On n'a pas eu le temps de s'y remettre sérieusement.

Une chose est sûre. Le printemps bat son plein et le ciel est capable de tout. Plein soleil, cagnard hurlant, ou passages nuageux avec décharges d'humidité. Sans compter sur la fin du Khamsin (le vent du désert). Le toit du Liban change tout le temps. Pas plus tard qu'hier soir, ciel orange et laiteux, vent poussiéreux. Impossible de voir la ligne de crête du Mont Liban. Horizon bouché, vitres salopées. Et ce matin, Beyrouth est lumineuse. L'air est doux. Le soleil prépare son retour sur scène.

En attendant de pouvoir reprendre nos narrations aléatoires, nous continuons d'arpenter des kilomètres de rues brouillonnes. Sans lassitude aucune. A suivre...

dimanche 26 avril 2009

Il va peut-être falloir se mettre à l'eau ferrugineuse

Par Julien

Chapelet du derviche (ou « Masbath el-Darwich ») et tiramisu, sur une rivière de Prosecco. Table sauvage et méditerranéenne, en somme. Légumes bigarrés, et vin pétillant de Vénétie. Agneau quasi pascal. Spiritualité déviante, hétérodoxie goûtée. Le tout, s’il vous plaît, servi après une longue promenade en front de mer, à flâner autour de Raouché (non, vous ne rêvez pas, Raouché tire son nom du mot français « rocher »), sous un soleil franc, adouci par le vent. La boucle d’une semaine bien laborieuse est bouclée. Sublime et sublimée.

Pour le reste, le monde entier reprend ses droits. Le quotidien est ce qu’il est : l’horizon le plus commun. Pas forcément indépassable, mais les faits, quand ils sont là, sont là. Je dis ça parce que, au-delà du chantier devenu qu’est notre appartement (nous entrons dans notre troisième semaine de travaux, et je me demande si nous n’allons pas finir par adopter les deux ouvriers syriens qui travaillent à la maison), notre seule cuisine nous rappelle que la vie est encline à osciller entre droits (supposés) et devoirs (hypothétiques).

Nous avons accumulé, au cours des dernières semaines, de quoi remplir un bac entier de récupération de verre. Sous la forme d’un inventaire, ça donne l’équation suivante : 27 bouteilles de 33 cl (bière Almaza, blonde ou ambrée : grosso modo, l’alter ego de la Mythos des Grecs, légère et peu sucrée, à servir impérativement fraîche sous un parasol), trois bouteilles de vin plus une bouteille de Prosecco, une bouteille de vinaigre, et trois verres cassés. Mais là où le bât blesse, c’est que pour recycler les déchets, vous pouvez toujours courir !

Les ordures ne connaissent ni hiérarchie ni raison. La récupération existe, mais le recyclage n’est pas vraiment envisagé. C’est comme le traitement des eaux usées : c’est un vœu pieux. Il y a d’autres priorités (en un certain sens, c’est vrai). Gare au baigneur qui s’imagine jouir des délices d’une plage perdue… Le Liban a pour l’heure d’autres soucis que de nettoyer ce que ses activités peuvent engendrer (« les externalités négatives » du jargon des économistes, c’est typiquement ça). La priorité : repenser l’intervention de l’Etat, certes, puisque ce dernier n’en finit pas d’être bloqué de partout, mais surtout traverser les élections législatives du 7 juin sans heurts (pour faire simple, deux camps s’affrontent : le « 8 mars », contre le « 14 mars »).

Cette situation implique la maxime courante que suit : « au diable le lendemain », ou plus commune, « après moi le déluge ». Quand on ne sait pas ce qui peut se passer demain, on ne s’enquiquine pas à faire le tri entre le plastique des pots de Laban (yaourt nature local) et le carton des couches-culottes. On dépose tout en bas, dans la rue, une société privée ramasse ça deux fois par jour, et on n’en parle plus.

Tout ça pour dire que notre plan de travail, dans la cuisine, ne ressemble plus à grand-chose. Pourtant, il y a depuis peu, dans quelques points précis de Beyrouth, des récupérateurs qui ont été installés pour le verre et le carton. Les mauvaises langues, c’est vrai, disent que ça ne sert à rien, puisqu’au bout de la chaîne, ces déchets rejoignent les détritus du cycle le plus classique qui soit (poubelle domestique – benne à ordures - décharge à l’air libre). La querelle des Anciens et des Modernes n’en finira jamais ! Exemple. Retournons à Raouché, lieu de toute beauté. Au pied des falaises, des parterres de sacs plastiques. Au creux des grottes, des flopées de sacs poubelles.

Ajoutez à cette histoire le fait que nous roulons notre bosse sans bagnole… Au moins, les poubelles, on peut les descendre quand on veut. Avec la chaleur, de toute façon, pas le choix. Mais pour le verre, on a l’air fin, avec notre mauvaise conscience. Quelle idée de s’imaginer que notre bouteille de Château Ksara 2004 va terminer sur les plages de Byblos. Franchement ! Bon, alors tant pis. Il faut être, un minimum, conséquent, quand même toute cette histoire revêt, au fond, toutes les apparences d’une lubie, puisque nos bouteilles finiront… à la mer.

Il va falloir remonter tout ça jusqu’au rond-point de Sodeco. C’est-à-dire : compter 20 minutes de marche le long des bagnoles hurlantes. Au détour du musée national, suivre le long de la rue de Damas jusqu’au deuxième tank, situé devant une immense publicité pour des accessoires de luxe, déployée sur la carcasse d’un immeuble traditionnel détruit pendant la guerre, et en voie de réhabilitation si la Mairie de Paris veut bien tenir ses engagements. Allez, courage ! C’est quand même pas la mer à boire.

samedi 18 avril 2009

Le chantier perpétuel

Par Julien

Depuis des lustres, voire des siècles, et sans doute même depuis l'aube des temps, l'homme s'interroge sur le monde (et, en retour, sur lui-même, innocent sublime et merveilleux pécheur) qui l'entoure en élaborant des comparaisons, des analogies, des rapprochements.

Par exemple : le microcosme est-il à l'image, le symétrique, voire le condensé du macrocosme ? Autrement posée, la question devient : notre appartement, de cure thermale permanente devenue chantier perpétuel, est-il le simple décalque de la ville qui l'accueille en son sein ?

La métaphysique n'a de limites que celles de la langue qui la tapine et du sujet qui s'y adonne. Y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Un ordre dans le désordre ? Une justice dans le déferlement des serpillères et les passages de nuages de poussières ?

L'homme a forgé autant d'outils de réflexion que possible, n'échappant pas aux phénomènes de modes, pour comprendre ce qui ce qui ne se comprend pas comme ça (nous, vous, ils). Physique, ou encore structuralisme, intuitions mathématiques (fractales), plus récemment génie des algorithmes (des moteurs de recherche, tout est bête comme un clic). Et tout est bon pour expliquer, décrire, chercher, trouver. "La bêtise, c'est de conclure", disait Flaubert. Alors on n'en saura jamais rien, et c'est sans doute mieux ainsi.

Pourtant, comment ne pas établir des correspondances ? En observant alternativement "le chantier" (c'est un peu le sobriquet que l'on pourrait employer pour notre délicieux logis, au fronton duquel nous serions bien inspirés d'inscrire : "nul n'entre ici s'il n'est ouvrier"), et Beyrouth (vaste épiderme bardé de pousses bétonnées et autres structures métalliques en attente), je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser, et de construire un petit syllogisme qui marche assez bien :

Notre appartement est un bordel perpétuel,
Or nous vivons à Beyrouth,
Donc Beyrouth est par essence un chantier permanent.

Miracle de la région : le sacré et le trivial sont deux inséparables compagnons.

Florilège post-road trip


















Par Julien et Elodie

Avec une semaine de retard (le temps d'un tirage argentique ?), florilège de photos, prises ici et là, dans le sud, la Bekaa, et le Chouf (dans quel ordre ? Mystère...).