samedi 18 avril 2009

Le chantier perpétuel

Par Julien

Depuis des lustres, voire des siècles, et sans doute même depuis l'aube des temps, l'homme s'interroge sur le monde (et, en retour, sur lui-même, innocent sublime et merveilleux pécheur) qui l'entoure en élaborant des comparaisons, des analogies, des rapprochements.

Par exemple : le microcosme est-il à l'image, le symétrique, voire le condensé du macrocosme ? Autrement posée, la question devient : notre appartement, de cure thermale permanente devenue chantier perpétuel, est-il le simple décalque de la ville qui l'accueille en son sein ?

La métaphysique n'a de limites que celles de la langue qui la tapine et du sujet qui s'y adonne. Y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Un ordre dans le désordre ? Une justice dans le déferlement des serpillères et les passages de nuages de poussières ?

L'homme a forgé autant d'outils de réflexion que possible, n'échappant pas aux phénomènes de modes, pour comprendre ce qui ce qui ne se comprend pas comme ça (nous, vous, ils). Physique, ou encore structuralisme, intuitions mathématiques (fractales), plus récemment génie des algorithmes (des moteurs de recherche, tout est bête comme un clic). Et tout est bon pour expliquer, décrire, chercher, trouver. "La bêtise, c'est de conclure", disait Flaubert. Alors on n'en saura jamais rien, et c'est sans doute mieux ainsi.

Pourtant, comment ne pas établir des correspondances ? En observant alternativement "le chantier" (c'est un peu le sobriquet que l'on pourrait employer pour notre délicieux logis, au fronton duquel nous serions bien inspirés d'inscrire : "nul n'entre ici s'il n'est ouvrier"), et Beyrouth (vaste épiderme bardé de pousses bétonnées et autres structures métalliques en attente), je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser, et de construire un petit syllogisme qui marche assez bien :

Notre appartement est un bordel perpétuel,
Or nous vivons à Beyrouth,
Donc Beyrouth est par essence un chantier permanent.

Miracle de la région : le sacré et le trivial sont deux inséparables compagnons.

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