samedi 27 juin 2009

Je, tu, moite, eux, ils tirent

Par Julien

Cette semaine, ça a cogné sec au dessus de nous. Changement de saison. Avec l’été, le ciel d’été. Depuis la fête de la musique et ses déambulations incroyables (des piétons à Beyrouth, c’est suffisamment rare pour être remarqué), le soleil écrase. Sans cesse. 35 degrés par-ci, 36 degrés par-là (ça dépend si vous avez de l’ombre). Les allers et retours sont épuisants. Traverser une rue : une épreuve. Prenez la place du Mathaf, le Musée national, avec sa pierre ocre et ses colonnes lotuformes. Il ne bouge pas, vous regarde du haut de son emmarchement massif, et vous, vous devez passer par là comme si tout allait bien. Oui, bien entendu, tout va bien. Mais il fait chaud !

Les vêtements, en permanence, sont humides. La racine des cheveux, tout le temps trempée. Les pantalons collent. Et les chaussures puent, quoi qu’on fasse. En plus, passé l’épreuve du soleil de midi, la climatisation vous congèle tout cru. Les Libanais adorent les extrêmes, le gigantisme, la démesure. C’est un lieu commun, c’est ce qui se dit. La réalité va parfois bien au-delà. Si toutes les maisons ont une climatisation, ce n’est pas pour adoucir les morsures de l’air : c’est pour la faire tourner à fond de cale !

On ne le répètera sans doute jamais assez. Alors avis aux visiteurs potentiels : l’été, au Liban, est costaud, et peut vous mener la vie dure. Pourtant, quelle félicité que ce ciel sans limite, débordant de bleu. Le ciel est immense, le matin. C’est sa première couleur. A midi, il devient invivable. Et le soir, on glisse sur un rose et bleu (les pins dessinent alors à l’horizon des ombres magnifiques), avant de sombrer dans une nuit électrique. Le vent, quand il est là, est un fleuve de douceur. Une clémence occasionnelle, et une joie permanente pour tout le corps.

Nous résistons, malgré tout, à la tentation de la « clim’ » systématique. Trop risqué : dilution des sensations, affadissement de l’expérience. Pourtant, notre appartement est équipé. Nous verrons si nous tiendrons. Pour l’instant, sommes patients. Durs au mal. L’acclimatation demande un peu de méthode, et pas mal de ténacité. Nous nous sommes aperçus, aujourd’hui, que nous nous sentions à l’aise à 30 degrés. Comme s’il avait fait moins chaud, aujourd’hui. Est-ce le cas ? « Ma barif » (« je ne sais pas »). Le ventilateur est devenu notre plus fidèle compagnon de route. Un par pièce. De quoi tenir le coup.

Le ciel peut s’avérer bien orageux, aussi. Voire dangereux. Pas plus tard que maintenant, à l’heure où j’écris ces lignes, des crises de sulfateuses, des détonations sourdes, des rafales automatiques. Personne dehors (ou presque). Saad Hariri, fils du défunt premier ministre qui se distinguait (physiquement) par ces deux énormes sourcils, a été chargé de constituer son gouvernement. C’est toujours comme ça. Comme lors des législatives, par exemple, du 7 juin dernier. Chaque temps fort de la vie politique libanaise implique ces manifestations de liesse particulières. Pas de panique. Au fond, on s’habitue (presque) à tout. Et on attend sagement à la maison. C’est quand même préférable : avant-hier encore, comme ça, ces « feux de joie » ont provoqué la mort d’un promeneur et ont blessé onze badauds au Liban. Un obus (de type B7, soyons précis) s’est même abattu sur le préau d’une école. Heureusement, personne n’a été blessé. Il ne faut pas croire : des tonnerres de désapprobation suivent de près chacun de ces épisodes. Mais que voulez-vous : les habitudes sont les habitudes.

Alors c’est simple. Dans ces moments, dès que ça tire, tout le monde rentre. Il suffit d’avoir un toit au-dessus de sa tête et de ne pas traîner trop près des fenêtres. Une maxime, dans ces cas là : sors ton livre et attends. On s’est habitués. Et somme toute, ces événements restent rares, circonscrits, et faciles à oublier. On s’y fait. D’ailleurs, dans ces cas-là, l’été ne vous oublie pas, lui. Si votre ventilateur s’étrangle pour cause de coupure quotidienne de courant (on ne sait jamais à quelle heure ça vient…), les gouttes de sueur ne tardent pas à vous rattraper. On n’arrête pas comme ça le chant d’une saison.

samedi 13 juin 2009

Retour définitif et durable de l’insouciance ?

Par Julien

Pas de politique sur notre blog. C’est la politique de notre Chouei Chouei blog. Ce n’est ni la conséquence d’une apathie constitutive de notre regard, et ce n’est pas non plus la marque d’un désintérêt profond et las. Il s’agit d’éviter à tout prix ce qui arrive à nombre de blogs abordant frontalement ce genre de questions au Liban : le déferlement de commentaires injurieux et/ou malveillants. Le Chouei Chouei blog vous emmène là où on ne l’attend pas.

Cette façon de dire et de voir le Liban n’empêche pas de s’arrêter un instant : Beyrouth, depuis une semaine, vit dans une liesse indescriptible. Une insouciance retrouvée. Les élections n’y sont pas pour rien, évidemment. Le processus électoral des législatives s’est bien passé. L’inquiétude jalonnait chacun des déplacements, une attente incertaine nouait le ventre des uns, travaillait sourdement les autres, et l’incertitude de l’horizon retenaient les Beyrouthins. Depuis lundi dernier, c’est reparti. Pas de problèmes. Rien à signaler. Non pas que les choses soient arrangées pour le Liban. Tout est même, en un certain sens, à recommencer.

Mais cette étape heureusement traversée a libéré les corps et délié les langues. L’été approche, les projets personnels reviennent sur le tapis, les restaurants ne désemplissent plus, les klaxons klaxonnent. Dans les minibus (les fameux « VGV »), on fonce, on se marre, on y va. Porte ouverte, radio à tue-tête, rien à faire, on zigzague, on freine devant les groupes de filles, on fait des queues de poissons aux autres, on grogne sur les policiers.

Beyrouth est redevenue Beyrouth. Le soleil vous écrase tous les midis, la moiteur vous trempe les os chaque jour, mais vous crapahutez comme un cabri. L’heure typiquement beyrouthine a de nouveau sonné : retour de la vie dans sa plus folle insouciance, coexistence pacifique, infinies roucoulades en front de mer (saccagé par des hordes de bétonnières, qui ont repris dès que possible le service). La vie est belle parce qu’elle est tenace, tour à tour capricieuse et odieuse, et foncièrement insoumise.

P.S. : Vous trouverez ci-dessous trois billets, construits comme trois épisodes retraçant notre périple en Syrie. Désolé, retailler les photos nous a pris un peu de temps… Et une certaine forme d’insouciance ne nous anime-t-elle pas, finalement ? Plaisir indescriptible du temps librement fourragé.

Etape damascène en images





La traversée du désert






Palmyre, caprice de Zénobie











samedi 6 juin 2009

La frangipane, ça pousse dans les arbres ?

Par Elodie

Il y a des jours où on se demande pourquoi on s’est levé : on rencontre « Georges » et tous ses amis, on souffre de problèmes informatiques (Que sommes-nous désormais sans Word ou sans Internet ?), de coupures de courant qui ne respectent pas les plannings, de retards de paiement, d’interlocuteurs désagréables, etc. Et il y en a d’autres, heureusement, qui bondissent de surprise en surprise.

Hier par exemple, j’ai récolté deux chèques et découvert comment ici au Liban, on peut même encaisser ceux d’une tierce personne. Une erreur sur le nom indiqué sur votre chèque ? Ohlala, il va falloir attendre encore des semaines pour qu’ils le refassent sans se tromper… Mais non, habibi, ma fi machklé : pas de problème. Une simple petite signature et c’est arrangé. Je suis restée ébahie devant ma banquière qui n’a pas bronché, tout juste demandé si c’était bien « mon amie » qui avait signé. Autre chose, Madame ? Heu, non…

Légère et joyeuse, j’ai descendu la colline en moins de deux pour rentrer à la maison, où m’attendait en fait une autre surprise. Une fée, il y en a plusieurs dans notre voisinage, m’avait déniché un arbre abandonné pour habiller notre petit balcon. Mais pas n’importe quel arbre : un beau frangipanier, déjà plus grand que moi. En hiver, ils ressemblent à des arbres quasi préhistoriques avec leurs petits troncs dénudés, mais la chaleur estivale fait éclater de grosses feuilles parsemées de fleurs parfumées.

Mazbout ! Très bien, mais… Comment je fais pour le porter jusqu’au cinquième étage ? Ma fi machklé, habibi : l’ancien propriétaire de l’arbre, qui avait souhaité changer de décor, me l’a monté tandis que la fée me ramenait un énorme pot et de la terre pour installer notre nouveau locataire. Notre bel oranger et son cousin le pamplemoussier ont désormais un grand frère qui se dresse fièrement sur le balcon. Certains se diront peut-être que j’aurais dû jouer au loto. Ils ont peut-être raison, mais tout cela ne répond pas à la question que vous vous posez tous : le frangipanier, c’est l’arbre qui donne la frangipane ?

Que nenni, il en donne seulement l’odeur – paraît-il, lorsqu’il est fleuri. M'enfin ! Vous savez bien que la frangipane est une crème à la poudre d’amandes, qui ne pousse que dans les casseroles de cuisinières aguerries. Décidément, il faut vraiment que je reprenne mes chroniques gastronomiques.

Vrai faux sfouf... au citron !

Voici un gâteau qui d’emblée nous a fait pouffer de rire : le sfouf ! Le quoi ? Le sfouf est un gâteau libanais légèrement croustillant, il est fait à partir d’un mélange de semoule de blé fine et de farine classique, qui se pare d’une belle couleur jaune grâce au curcuma. Hum, ça a l’air terriblement bon… Sfouf alors ! C’est à l’anis et j’aime pas ça.

Ma fi machklé (pas de problème), j’ai plus d’un tour dans mon sac et je ne vais pas me décourager pour ça. Après quelques expériences, j’ai abouti à cette recette de vrai faux sfouf au citron : la même texture que son cousin à l’anis, avec une saveur agréablement acidulée. Au goûter, au petit-déjeuner, au dessert… Sfouf alors, yen a déjà plus !

Préparation : 15 minutes

Repos de la pâte : 1h

Cuisson : 20 min

Pour 6 personnes :

300 g de semoule de blé fine

250 g de farine

300 g de sucre en poudre

20 cl de lait

50 g de beurre à température ambiante

10 cl d’huile neutre

2 citrons pressés

1 cuillère à café de curcuma

1 cuillère à café de levure chimique

25 g de pignons de pin

1 cuillère à café de téhiné

Mélanger la farine et la semoule avec le beurre et l’huile, ajouter le sucre, le curcuma et la levure, puis ajouter le lait en enfin le jus de citron.

Enduire de téhiné un plat à tarte de 30 cm de diamètre, y étaler la pâte à sfouf, l’aplatir avec la main mouillée pour éviter que la pâte colle.

Parsemer de pignons de pin.

Laisser reposer pendant 1h15 min avant la fin, préchauffer le four à 250 °C (th. 8-9) pendant 15 min.

Enfourner le sfouf et laisser cuire pendant 20 min.

Sortir le plat du four. Le laisser tiédir et couper ensuite des parts en forme de carré ou de losange de 3cm de côté.

Ces gâteaux se conservent une semaine dans une boîte hermétiquement fermée.

Recette adaptée d’un extrait de Cuisine libanaise d’hier et d’aujourd’hui, d’Andrée Maalouf et Karim Haïdar.