Par Julien
C’est parfois en marchant qu’on apprend comment ça marche. De quoi parle-t-il, encore, avec sa formule, vous dîtes-vous ? De ce qui se pratique, de ce qui se fait, de ce qui se passe, par ici, quand on se promène dans la rue. C’est vrai : après tout, comment rit-on, sous ces latitudes ? Comment se moque-t-on, sous ce ciel bleu ? Ou est l’esprit de sérieux, mam’zelle? Comment départage-t-on l’esprit de finesse et l’esprit de géométrie ?
Partons d’une scène observée aujourd’hui même. Je rentre ce midi. Il fait beau, vent léger, à peine de quoi s’inquiéter sur le cours des choses, puisque les choses vont et viennent, et c’est ainsi, et c’est comme ça. Dans une rue à sens unique, claquemurée entre de grands immeubles en pierre ocre, une camionnette s’extrait difficilement des voitures alentour. Elle vient de livrer, sans doute, ces bonbonnes d’eau de dix litres que son ventre ouvert laisse apparaître.
A peine sortie de son placard, une petite 206 se plante nez à nez devant la camionnette. Au volant du bolide, une femme, la quarantaine chic et active, cheveux tirés en arrière, les ongles impeccables sur un volant droit et déterminé. Je comprends tout de suite : elle ne bougera pas. Elle rit et, derrière son pare-brise, fait sentir que c’est à elle de passer.
Dans la cabine du camion, trois sympathiques molosses, bien poilus, bien ronds. Ils sont stoïques. Ne bougent pas non plus. Dialogue de sourds. Des bagnoles commencent à débouler. Polyphonie des klaxons. Le camion ne peut pas manœuvrer. Mais la 206 ne veut pas reculer. Elle coupe son moteur. Les trois livreurs se marrent. Ils éteignent le moteur, et sortent des « manouché » - des sandwichs coupe-faim, que les gamins grignotent habituellement comme un pain au chocolat. Ils se mettent à bouffer, tranquillement. Tout le monde rigole, la rue s’arrête.
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