vendredi 24 juillet 2009

Beyrouth, en été, roule-t-elle des mécaniques ?

Par Julien

Je sais ce que vous pensez? Je sais ce que vous avez envie de me dire. Je vous vois venir, oui, parfaitement, oui (et j'ai bien tort, mais c'est plus fort que moi, relent de mauvaise conscience). Celui-là, pensez-vous : il va nous parler de vacances (c'est le titre qui vous murmure ce trait) alors que ça faisait quelque temps déjà qu'il ne postait plus sur Chouei-Chouei, le blog. Il n'en branlait pas une, vous dîtes-vous. Et vous avez raison, et vous avez tort en même temps.

Que voulez-vous ? Le temps fait son chemin comme il peut, et moi, comme je peux. La géographie vous emmène là où vous n'étiez pas. J'y suis, j'y reste, mais je ne sais pas. Y suis-je ? Le climat vous déboussole : vous n'êtes plus ce rythme qu'on vous connaît, vous êtes ce rythme nouveau, décuplé, léger et serpentin. Je passe entre les gouttes (de l'air chaud, sublime et humide). Je traînasse sous l'haleine de feu (le soleil ne désemplit pas). Je lis comme je respire. Et je boucle la boucle de mon année avant la rentrée. Sans compter sur mes projets qui me brûlent les doigts.

Beyrouth, elle (ou peut-être devrais-je dire : « lui » - doit-on personnifier une ville en lui attribuant un sexe ?), ne chôme pas non plus. Ne dort pas, bouchonne et klaxonne, parade et caracole. Les vacances, cette année, c'est près de deux millions de visiteurs pendant l'été. Deux millions de pèlerins sur l'équivalent de deux départements français. Tous les hôtels sont complets, pas de voitures de location disponibles, les restaurants bondés. Deux millions : soit près de la moitié de la population (estimation, bien entendu, puisque les dernières statistiques officielles en la matière remontent à 1932, histoire de ne pas froisser les communautés susceptibles).

Inutile de dérouler plus longtemps les variables de l'équation. En survolant le résultat, je dirais sobrement que c'est le bordel (un joyeux bordel, un sacré bordel, et un bordel sans limites). Pas de traitements des eaux usées, pas d'électricité pour tout le monde (manque quand même un quart de ce qui faudrait), pas de transports publics, pas de plages publiques (ou presque), pas de régulation des prix, etc. Les touristes ne se privent pourtant pas.

Pétrodollars et finance à gogo. Paradis fiscal et vodka plein pot. Je te fais péter du Hummer (4*4 de l'armée américaine transformé en paquebot roulant) tout chromé sur la corniche. La Lanborghini en double-file, je te paie un petit whisky ? Une bouteille, même. Une caisse, si tu veux. Bang Bang, Nancy. Et on fera la soirée en Porsche. Direction le Sky Bar : feu d'artifice tous les soirs, musique électronique, entrée sur invitation seulement (sauf les jolies filles refaites et plastiquées : entrée libre), piquette VIP (c'est imbuvable mais ça vous crame le gosier).

Ce n'est pas tout, ce n'est partout comme ça. Même si on a parfois l'impression que la vie est tentée de ressembler à sa propre caricature. Question à la Oscar Wilde : est-ce l'art qui imite la nature, ou la nature qui imite l'art ? Beyrouth, Oscar Wilde ? Du dandysme subreptice entre deux coupures de courant ? Pourquoi pas. Là encore : la vitalité retrouvée de cette ville donne du fil à retordre, mais dessine de belles figures dans le ciel. C'est si bon, une traversée de la ville sur les chapeaux de roues, avec un chauffeur qui se poile et des filles qui se pomponnent. Beyrouth pue le carbone et fond entre deux passages de climatisation, mais Beyrouth fait la coquette. On danse ?

mercredi 15 juillet 2009

Qu'il est douloureux d'être... gourmands !

Par Elodie

Nos découvertes gastronomiques se poursuivent au fil des saisons, avec l’arrivée régulière de produits inconnus sur les étals de notre marchand de légumes. Après moult hésitations, je me suis décidée à expérimenter – encore et toujours ! – les petites fusées vertes qui me narguent du haut de leur étrangeté depuis quelques semaines.

Me voilà donc avec une bonne livre de cornes grecques, aussi appelées gombos, ou encore « bania » en arabe libanais, en poche. Une rencontre qui n’a pas manqué de piquant : ces petites cornes vertes sont dotées de petites épines très fines lorsqu’elles sont crues. Obligatoire, l’épluchage des pédoncules m’a donc laissé les mains usées et douloureuses. Un instant, le souvenir de mes premières figues de barbarie, dévorées avec gourmandise sur une plage algérienne m’est revenu. Surtout, les heures passées ensuite à geindre devant la main de ma maman armée d’une pince à épiler. Heureusement, les épines des gombos ne sont ni aussi longues, ni aussi dures.

Mais alors, vous avez mangé des épines ? me direz-vous. Que nenni, à la cuisson, elles disparaissent, tandis que les petites cornes vertes deviennent tendres. Quel bonheur alors de découvrir ce nouveau goût parfumé et aussi doux que les épines sont hargneuses… Pour être gourmand aussi, il faut savoir souffrir !


Gombos à l’huile d’olive

(Bémié bzeit)

Si les gombos ainsi cuisinés peuvent se servir en mezzé, froid ou chaud, ils constituent aussi un excellent plat, accompagnés par exemple de borghol.

Préparation : 30 minutes (si vous êtes rapides pour l’épluchage)

Cuisson : 30 minutes

Pour 6 personnes :

1 kg de petits gombos frais ou surgelés

3 ou 4 tomates bien mûres

3 oignons

1 tête d’ail

3 cuillères à soupe d’huile d’olive


Si les gombos sont frais, peler le pédoncule sans le couper (cela permet de les garder fermes à la cuisson).

Eplucher les oignons et les hacher, puis peler l’ail mais laisser les gousses entières. Peler les tomates et les couper en quartiers.

Dans un faitout, faites revenir les oignons quelques minutes avec le reste d’huile d’olive. Ajouter les gombos, les tomates, puis les gousses d’ail entières. Saler et poivrer. Couvrir et laisser mijoter 20 minutes à feu doux.

Il est possible d’ajouter à la fin de la cuisson de la coriandre fraiche ciselée, en fonction de votre goût.

lundi 6 juillet 2009

La chaleur par le menu

Par Elodie

En plein mois de juillet, vous allez me dire que mon sujet du jour est plus que banal. Par 35°C et avec plus de 50% d’humidité, il est pourtant crucial. Comment se nourrir quand la chaleur vous écrase ? Il n’y paraît pas mais le moindre faux pas peut s’avérer fatal, et une simple assiette de pâtes à la bolognaise vous envoyer au fond du lit pour plus de 48h avec une indigestion carabinée. Vous riez ? L’affaire est pourtant véridique. Un plat chaud le midi par ces températures et le travail de votre estomac vous fait l’effet d’entrer dans un four à pain. Circonstances aggravantes bien sûr lorsque la coupure d’électricité quotidienne tombe entre midi et quinze heures : votre bon ami le ventilo vous regarde alors silencieusement de ces palles désespérément immobiles.

Pas question pour autant de se laisser aller au jeûne, mais que faire ? Du froid, du froid et du froid. A y regarder de plus près, tout ou presque peut se manger froid en salade : riz, pâtes, semoule de couscous, blé concassé (appelé ici borghol), pain frit… Et bien sûr, exit le thé et le café ! Voici venu le temps de la limonade, la vraie, l’unique et délicieuse limonade qu’on sert glacée dans tous les cafés beyrouthins. Heureusement, la cuisine libanaise a quelques tours dans son sac en la matière. Notre préféré ? La fattouche sans la moindre hésitation.


Fattouche

C’est la salade paysanne par excellence, on y retrouve diverses herbes du jardin : pourpier, menthe, persil plat ou laitue, ainsi que du radis, de la tomate, du concombre ; mais également du pain rassis qui est grillé puis émietté – de cet acte d’émiettement, qui se dit fatt, provient le nom du plat. Certains y ajoutent même des aubergines frites. En guise de touche finale, il faut saupoudrer le plat de quelques bonnes pincées de sumac, sans lesquelles les Libanais ne reconnaîtraient ni le goût ni la couleur de leur fattouche.

Préparation : 30 minutes

Pour 6 personnes :

2 salades sucrines

Ou une salade romaine

250 g de tomates cerises

Ou 3 tomates

2 petits concombres

Ou la moitié d’un grand

½ botte de radis

4 cébettes

ou petits oignons nouveaux

1 bouquet de persil plat

½ bouquet de menthe

15 cl d’huile d’olive

5 cl de vinaigre de vin rouge

1 cuillère à soupe de sumac

Sel

Préchauffer le four à 150 ° C (Th 5).

Effeuiller le persil et la menthe.

Couper les salades sucrines en lanières, les tomates cerises en deux ou dans le sens vertical (en cubes, si ce sont des tomates de taille normale), les radis et les cébettes en rondelles, les concombres non pelés en demi-rondelles.

A l’aide de ciseaux, couper le pain en carrés de 2 cm de côté, séparer les 2 faces de chaque morceua et les faire griller au four dans un plat pendant 10 min.

Mélanger le pain avec l’huile d’olive et le sumac, ce qui aura pour effet de garder le pain croustillant.

Juste avant de servir, mélanger tous les ingrédients avec le pain, ajouter le vinaigre et saler.

Variantes

Une autre recette beyrouthine exclut du fattouche vinaigre, persil, menthe et laitue, les compensant par une plus grande quantité de sumac et de pourpier. Celui-ci étant parfois difficile à trouver, il peut être remplacé par de la mâche.

Bon à savoir

Traditionnellement, on dit que la peau du concombre favorise sa digestion. Si vous le souhaitez, vous pouvez malgré tout le peler, une bande sur deux.

Vous pouvez préparer cette salade à l’avance, pour l’assaisonner au dernier moment.

(Extrait de Cuisine libanaise d’hier et d’aujourd’hui, d’Andrée Maalouf et Karim Haïdar.)